Tribune : le lieu où l'on s'exprime par le discours ou l'écriture par Gilles Clément.

TSP

- Ça veut dire quoi TSP ?

- Réfléchis un peu, tu connais ça par coeur ! En allant au FRAC juste à coté du CAUE dans le cadre du PLUI de la commune tu en as trouvé des TSP. En plus je suis sûr que tu les utilises dès que tu peux. Fais pas l'ignorant !

- Ouais, c'est vrai, mais quelque fois on a besoin des mots pour se rassurer, tu comprends ?

- Cherches pas, t'en as plein la soute ! Pas besoin de faire l'ignorant pour traquer la foule. En cas de panne tu te lances dans un workshop avec ton coach en replay pour éviter le burnout et tout va bien, tu kiffes ?

- Un peu mais il va falloir complètement refaire les dictionnaires, on change de vocabulaire ! Ça va coûter du papier, donc des arbres encore à couper pour y arriver …

- Arrêtes avec ton eco-névrose, le papier on s'en fout, tout est dans l'espace. Tu cliques sur novlangue et tu trouves tous les mots que tu cherches. Les arbres attendront, ils sont patients, on les coupera avant que les feux les transforment en allumettes noircies, on sait faire. En attendant vas dans ton pocket, tu trouveras forcément un blockbuster de l'été, un best-seller à lire sans papier avec les tofs d'un wildelife photographer star de l'année, où tu verras sans problème un tigre qui dévore un croco pour faire chic !

- Ok, mais tu m'as toujours pas dit ce que ça veut dire TSP . Trial Slow Poursuite ? Test Supervisor Proportional ? Time Site Personnal ? …

- Arrêtes avec tes mots qui jouent de travers, moi je spique frenche, je te le dis dans la langue de Momo (Molière) : TSP ça veut dire : Toilette Sèche de Proximité !!! C'est tout ! C'est simple. Et on y va sans problème, dès que le besoin se fait sentir, tu comprends ?

Gilles Clément, 8 septembre 2024.

Ce texte de Raoul Vaneigem traduit avec clarté et précision la situation dans laquelle nous nous trouvons aujourd'hui. Nous devons abandonner le "faire" "par obéissance" et développer un autre "faire", celui qui nous laisse encore la possibilité de créer en échappant à la névrose de la consommation.

Voilà, c'est tout.

Gilles Clément

---- texte de Raoul Vaneigem -------------------------

GILETS JAUNES, ENCORE UN EFFORT EN FAVEUR DU VIVANT ! 

Tandis que nous assistons à l’effondrement mental, économique, politique et psychologique d’un monde gouverné par le Profit, de nouvelles formes de résistance pointent partout. Elles marquent une franche rupture avec l’autoritarisme et la bureaucratisation qui caractérisent les luttes anciennes et, dans la foulée, expliquent l’échec du prolétariat à créer une société sans classes.

L’apparition des Gilets jaunes a réveillé chez des milliers d’hommes et de femmes le sentiment et la conscience d’une évidence : nous sommes riches d’une vie sans cesse appauvrie par l’obligation de travailler pour survivre. Quoi d’étonnant si le Pouvoir s’emploie à occulter, par le mensonge et la matraque, ce qu’il y a de subversif dans la simple joie de vivre ! 

L’agitation spontanée n’a plus besoin de gilets pour se propager avec une liesse pour le moins absente des défilés braillards de l’anti- capitalisme. Les chefaillons de droite et de gauche en demeurent effarés. Les manifestants eux-mêmes semblent, tels des enfants, déconcertés par leur soudaine audace. On invoque des prétextes raisonnables mais personne n’est dupe. 
La revendication maîtresse, c’est la vie. Une vie éminemment précieuse, une vie indûment menacée par les boutiquiers de la mort. Une vie qui se veut libre et ne s’encombre ni de religions, ni d’idéologies, ni de politique, ni de structures hiérarchiques, étatiques et mondialistes. 

La vie avant toute chose est le fusil brisé qui par le harcèlement de son omniprésence empêche la transformation du sujet en objet, de l’être en avoir, de l’existence en marchandise. 

Pourtant, jamais le nihilisme n’a été à ce point la philosophie des affaires. Ce qui se prépare à orienter notre sort, c’est un « lâchez tout ! » dû à l’écœurement d’un monde sans cœur. 

Nous sommes pris au piège d’un univers où l’envers vaut l’endroit, où la salauderie des bons sentiments, le cynisme des assassins de l’ordre et du désordre, et la veulerie d’une déshumanisation à froid ont accumulé une immense fatigue qui n’a qu’une pressante envie, celle de faire le vide.

Il va de soi que le réflexe du « lâchez tout ! » diverge dans ses intentions selon qu’il s’abandonne au réconfort de la mort ou qu’il mène en faveur du vivant une guérilla sans autre arme que l’exubérante ingéniosité dont la nature humaine détient les secrets. Le camp de la vieille tradition apocalyptique prophétise une chute dans les abîmes du désespoir, il conjecture un suicide humanitaire programmé par l’autodestruction capitaliste. Mais, ce faisant, il suscite dans le camp adverse un grand sursaut de vie. Les rues et les consciences s’emplissent comme l’air du temps de résonances où la radicalité rayonne en silence. Rien n’est fini, tout commence !

Si nombreux que soient les séides de la servitude la plus vile, du ressentiment agressif, de la haine et de la délation, il se trouvera toujours un élan de générosité pour révoquer leur emprise.

Tous les Pouvoirs sont des citadelles délabrées auxquelles nous prêtons fermeté en leur faisant allégeance. Quand serons-nous dissuadés de laisser s’incruster en nous l’autoritarisme que nous prétendons combattre ?

Sans chefs, sans meneurs autoproclamés, sans appareil politico- syndical, les insurgées et les insurgés de la vie quotidienne tissent l’étoffe d’une véritable société humaine. Le possible a besoin d’imagination. La curiosité est insatiable. 
Le retour à la vie verra le triomphe de l’acratie, à savoir le dépassement de ces régimes baptisés démocratie, aristocratie, oligocratie, ploutocratie qui proposaient en commun un bonheur dont le peuple a encore les fesses écorchées. 
Le retour à la vie implique le retour au local, la reconversion en individu autonome de l’individualiste et du calcul égoïste qui le déshumanise.

Seul le recours à une pratique expérimentale et poétique de l’autogestion et de l’harmonisation des désirs, permettra d’aborder concrètement la question du gouvernement du peuple par et pour le peuple.

Ne nous suffit-il pas de contempler les ruines des empires et des États qui nous ont dicté leurs lois et vomi leurs ordres, pour vaincre la pusillanimité qui nous empêche d’ouvrir une voie à l’auto- organisation sociale ? 

n aura beau jeu de railler la Commune de Paris, écrasée par la bourgeoisie, les soviets d’ouvriers, de paysans, de marins, liquidés par les bolcheviks, les collectivités libertaires de la révolution espagnole, décimées par le Parti communiste. Mais ce sont là des tentatives à peine esquissées dont il nous appartient de tirer des leçons salutaires. Puisque tout semble perdu, qu’avons-nous à perdre en multipliant la création de petites collectivités soucieuses d’aborder localement et concrètement les problèmes que l’État et ses commanditaires monopolistiques ne peuvent traiter que de façon mensongère, statistique, abstraite?

Dans la débâcle du "lâchez tout", nous allons apprendre à ne lâcher rien.

Ce qui est donné sans réserve possède en soi la grâce de l’effort qui l’aide à s’épanouir. 

L’audace est au cœur de tous les désirs de vivre. 

Raoul Vaneigem, Juillet 2024.

Vote aux élections du SCOL (Suicide Collectif Organisé Librement).

Un suicide est un acte conscient, désiré par l'individu qui passe à l'acte. On y voit clair.

Le suicide planétaire de l'humanité est plus difficile à comprendre. Il concerne la totalité des êtres humains mais une part importante de ce peuple habitant de la Terre n'a pas la conscience de son acte.

En s'orientant vers la surconsommation, l'usage démesuré des énergies polluantes, la destruction qualitative des substrats utiles aux produits vivriers, la pollution globale de ce qui nous permet de vivre (l'eau, l'air, la diversité alimentaire végétale et animale), on donne un privilège aux seules lois du marché. L'article précédent “fricourien” aborde le sujet.

En situation d'ignorance absolue face aux conditions biologiques en dégradation qui nous plaçent en grand danger de vie on pourrait proposer une pédagogie globale accessible à tous les humains sur la planète. Comprendre permet d'agir avec intelligence suite à un accès à “l'intelligibilité” du contexte dans lequel on se trouve.

Malheureusement les heures dédiées à l'enseignement du vivant ont diminué au point d'accroître notre ignorance des conditions de vie pour tous sur cette planète. Il y a pourtant un accroissement de la prise de conscience abordant ce sujet. Notamment chez les jeunes. Mais ont-ils pris la mesure de l'abstinence au vote ? Nous sommes encore en démocratie (à peu près), il est prévu que le vote des citoyens soient entendu....Parait-il....Espérons le.
Attendons de voir …mais encore faut-il aller voter...

Combien de temps ?

Pour ceux qui ont pris la mesure de la situation l'urgence consiste à changer de mode de vie. 
Être conscient mais renoncer à ce changement c'est accepter le suicide.

Les humains sont-ils conscients qu'ils sont en train de se suicider ?
Question masquée aux élections européennes, on ne parle pas de ce qui fâche ...

Sans doute existe -t-il trois catégories de votants :
- les conscients actifs (minoritaires)
- les conscients inactifs (majoritaires)
- les dirigeants du “fricourien”, ceux qui veulent surtout qu'on ne parle pas.

Qui va gagner ?

On attend.

Gilles Clément.

FRICOURIEN

La règle de vie qui nous est imposée depuis le milieu du XIXème siècle se résume à un seul mot : le fric.

Le fric ou rien.

Nous savons que cela ne correspond à aucune condition biologique sur notre planète mais tout étant soumis aux lois du marché il faut se plier à cette obligation : gagner de l'argent pour le dépenser. 

On pourrait vivre sans cette névrose qui infeste l'humanité entière et se contenter de trocs lorsque cela est nécessaire et utile. Mais le troc se passe du fric. Il est donc rejeté. On va jusqu'à emprisonner les aliments dans les systèmes d'achats obligatoires "les super-marchés", car l'accès à la gratuité est fortement combattu.

Produire sa nourriture est encore considéré comme un acte de rébellion. Il y a une vingtaine  d'années  aux USA on envisageait d'interdire les jardins potagers privés. En France une rumeur abordait la même question mais personne n'a voulu en faire la publicité, cela aurait sans doute déclenché une émeute. L'une des conséquences positive de cette rumeur a été la création des jardins partagés. 
Ils existent encore. Mais ces petits trésors ne font pas rêver les ultra consommateurs et les joueurs du fricourien.
Le jardin est un espace d'incertitude et d'espoir mais cela ne concerne que le monde vivant.

Le fric est une aberration virtuelle matérialisée par des billets, des chèques ou simplement des chiffres dans le cyberespace, mais il rassure, c'est une source inépuisable de calculs, on peut s'amuser.
Ce jeu de la cagnotte ne suffit pas, il faut des concurrents, des ennemis, sinon la guerre ne pourrait avoir lieu. Or la guerre a tous les mérites : elle dynamise la stratégie du jeu, elle développe la production des entreprises de jouets toujours plus gros et dangereux, elle crée des emplois. Elle permet d'attaquer et de gagner, elle offre le cadeau possible d'être les gagnants du jeu.

D'où une course à la domination.

Il faut entrer en guerre, se montrer performant, gagner, prendre la main.
Cela s'opère au risque de tout détruire. 
Détruire est un avantage considérable pour ceux qui vont avoir la mission rentable de reconstruire. 
Depuis bien longtemps on dit chez nous qu'il faudrait “une bonne guerre” pour relancer l'économie dormante.
La voici. 
Elle n'est pas seulement chez nous , elle est mondiale.
Elle tue au passage un nombre considérable d'humains mais le marché s'en fout. On ne cherche pas à soigner les êtres vivants on cherche du fric, c'est tout.

Telle est la caricature du jeu : il faut gagner.
Quitte à perdre sa vie il faut gagner.
Gagner quoi ? 

On peut comparer les jeux olympiques à une guerre de petits muscles en action pour atteindre on ne sait quel but puisque la course ne sert à rien. Sauf, parfois, à s'enfuir face à un danger mortel.
Mais il faut gagner à tout prix, c'est ça le plus important.

Afin de parvenir à ces exploits, ceux de la guerre partout, il convient de la justifier. Donner une bonne raison d'exister à la sainte dynamique de la destruction. On ne fait pas seulement des jeux vaguement olympiques pour parvenir à cet exploit on invite les religions à développer leur argumentaire. Elles détiennent le pouvoir de convaincre et démontrer qu'il y a de bonnes raisons de tuer l'autre.

En cette année 2024 nous vivons la démonstration de cette mécanique ancienne : laisser entendre  qu'on a raison, il faut tuer. Pas seulement les plantes et les animaux pour faire du fric, mais aussi les humains pour prendre la direction de ce qui rapporte. Donc on tue.

Ce combat d'exploits d'une très grande stupidité semble avoir l'accord de tous les pays de notre planète. Il faut tuer. Nous sommes bien au développement de la troisième guerre mondiale comme si les deux précédentes n'avaient pas fait la démonstration de leur inutilité.

Qu'est-ce que le vivant si la règle de vie est la mort avant tout ?

Aucun pays dans le monde n'a officiellement déclaré qu'il convenait de s'accorder planétairement pour continuer à vivre. La compétition continue. 
Si l'on veut faire un bilan des stupidités on ne peut éviter de constater que la compétition est la gagnante devant toutes les autres.

Il va falloir redéfinir le “jeu”
Et demander à Olympe de bien vouloir se calmer. Il n'est pas obligatoire de grimper aux plus grandes montagnes des cieux, territoire des dieux, pour exister et devenir riche.

Chère Olympe auriez vous l'obligeance de bien vouloir modifier les règles du jeu. 

Celui (ou celle) qui gagne n'est pas la personne qui croule sous le blé en ayant tout détruit mais celle qui est heureuse.

C'est tout.

On fait quoi ?

Gilles Clément, 29 avril 2024.